« Goodvertising, la publicité créative responsable » 

 Thomas Kolster, est le directeur de l’agence Goodvertising Agency, créateur de la plateforme WhereGoodGrows collectant les bonnes pratiques de communication responsable. Il est également un orateur internationalement apprécié, un contributeur régulier du Guardian et de nombreuses autres publication. Le Huffington Post l’a même récemment intronisé “Inspirational Leader”. La version française de son livre « Goodvertising », un best-seller sur la publicité créative responsable vient de sortir grâce à Gildas Bonnel, créateur-directeur de l’agence de communication responsable Sidièse et président de la commission développement durable de l’AACC.

« Ne dites pas à ma mère que je suis publicitaire, elle me croit pianiste dans un bordel ». On pourrait appliquer ce titre d’un livre de Jacques Séguéla (un publicitaire du XXème siècle que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître…) à Thomas Kolster, auteur du livre Goodvertising et paradoxe ambulant.

En effet, ce publicitaire de profession est très critique sur la publicité. Voici, par exemple, un extrait de l’introduction de son livre : « Je n’aime pratiquement aucune publicité, En fait, je déteste 99 % d’entre elles. Même si leur but est de me vendre quelque chose, pourquoi tant d’arrogance ? Pourquoi un tel manque de respect ? Pourquoi me faire perdre mon temps en me forçant à regarder une publicité rien que pour débusquer le contenu qui m’importe réellement ? ».

Et dans son avant-propos prospectif, Thomas imagine comment les publicitaires de 2025 jugeront la situation du marché publicitaire en 2015. Une vision d’horreur : « …Imaginez les horreurs vécues par les « consommateurs » pendant les heures sombres de 2015. Et au passage, il est incroyable que l’on ait pu employer ce terme désobligeant pour désigner les gens. Cela peut prêter à rire aujourd’hui, mais, en 2015, la publicité venait interrompre en permanence la vie des citoyens. C’était une sorte de peine de prison commerciale quotidienne, à raison de plus de 12 minutes par heure de programme télévisé. À l’époque, nous n’étions pas vigilants car cela paraissait normal. Mais au final, c’était 20 jours de perdus par an à cause de la publicité, que les gens auraient pu consacrer à leur famille et à leurs amis, à soigner leur forme physique ou à améliorer leurs conditions de vie... La publicité promouvait un idéal de beauté biaisé, ciblait continuellement l’insécurité et l’égoïsme des gens et favorisait une course à l’armement matérielle, de sorte que vous étiez considéré à la traîne si vous ne possédiez pas le gadget dernier cri. À l’époque, on promouvait des services et produits même s’il était prouvé qu’ils nuisaient à la santé…».

Heureusement, Thomas imagine, dans son livre, une prise de conscience amenant à un changement radical et positif : « Il s’est avéré impossible de réussir en se focalisant uniquement sur la marque et les bénéfices. Le goodvertising (ou publicité responsable) a permis de placer l’homme et la planète dans l’équation. Les marques ont commencé à jouer un rôle plus important en se penchant sur ce qu’elles pouvaient faire pour remédier aux mauvaises pratiques, aux impacts nuisibles et réhabiliter les structures sociales. Elles ont réfléchi aux façons d’apporter de la valeur ajoutée, pour leur bien, mais aussi celui de leurs clients, du marché, de la communauté, de leur pays et même de la planète ! Les marques ont pris en compte les facteurs environnementaux, sanitaires, sociaux, ainsi que d’autres éléments permettant d’améliorer le monde dans lequel nous vivons. Elles ont décidé, non pas de se contenter d’en parler, mais d’agir concrètement, de proposer une solution, au lieu de simplement soulever un problème… ».

En attendant ce monde « merveilleux », Goodvertising à travers de plus de 120 campagnes internationales inspirantes, organisées autour de dix valeurs-clés, et agrémentées d'analyses d'expert de la communication, nous montre comment certaines marques ont déjà basculé dans la publicité créative responsable.

Sa version française, augmentée d’une dizaine de campagnes françaises et de quatre interviews d’experts français également, est publiée aux éditions

LEDUC . S (250 pages, 40 €)

http://www.editionsleduc.com/produit/665/9791092928112/Goodvertising

 Entretien croisé avec Thomas Kolster et Gildas Bonnel

 

Thomas, quel a été votre parcours jusqu’à aujourd’hui ?

Je suis né il y a 37 ans à Copenhague au Danemark. Quand j’étais petit, je rêvais d’être biologiste. Et à 21 ans, par hasard, je suis entré dans le monde publicitaire en devenant copy-writer : un métier où vous êtes bien payé pour écrire, ce que j’ai toujours aimé ! Le patron de l’agence m’a payé une école de publicité et après quelques années, j’ai créé ma propre agence. En 2009, la COP15, conférence internationale sur le climat à Copenhague, a créé beaucoup de frustration en moi. Les marques ont beaucoup communiqué sur le développement durable, mais tellement mal. Je me souviens, par exemple, de Fiat qui racontait que ses voitures étaient importées au Danemark depuis l’Italie… par le train ! C’est à ce moment-là que j’ai décidé d’aider les marques à mieux raconter leurs histoires de RSE.

 

Et comment avez-vous eu l’idée d’écrire ce livre, Goodvertising ?

Cela faisait 10 ans que j’étais dans l’industrie publicitaire. J’étais fatigué, ma vie n’avait pas de sens. Je ne me voyais pas continuer comme ça. Je suis parti deux ans en Afrique du Sud à Capetown. C’est là que j’ai écrit le livre Goodvertising. Ce n’était pas un choix de carrière : j’avais besoin de trouver une cause pour laquelle me battre. En fait, cela a été comme un retour à l’Université : j’ai fait des recherches pour montrer que la publicité était une part du problème, mais aussi une part de la solution. Pour montrer que les marques pouvaient avoir un impact positif, qu’il était possible de construire des passerelles entre marketing et développement durable.

 

Gildas, comment et pourquoi avez-vous l’envie de proposer une version française du livre de Thomas ?

J’ai rencontré Thomas dans le cadre du réseau « Do not smile ». Un réseau international d’agences de communication responsable (Belgique, Allemagne, Angleterre, Italie, Turquie), comme Sidièse, et avec lesquelles nous partageons les mêmes valeurs. J’ai trouvé le livre de Thomas formidable, inspirant et même « rafraîchissant » pour nous français dont la culture très cérébrale, philosophique, s’oppose à la culture plus émotionnelle des anglo-saxons. Une différence qui se retrouve dans nos approches respectives de la communication et du développement durable. En France, le débat a été rude, pendant et après le Grenelle, sur la publicité source de l’hyper-consommation et le « greenwashing ». Nous avons d’ailleurs maintenant certainement une des réglementations les plus strictes sur le sujet. Les anglo-saxons ont une approche plus pragmatique, plus positive. Je me souviens d’une anecdote à ce sujet. J’emmène un jour Thomas à un défilé d’une marque de haute couture au Grand Palais. Le décor était constitué d’éoliennes… J’ai tout de suite pensé « greenwashing », instrumentalisation, alors que Thomas trouvait intéressant qu’une marque de luxe s’inscrive dans la symbolique des énergies renouvelables, que cela ne pouvait que faire avancer les prises de conscience.

J’ai donc eu envie, avec l’aide de l’ADEME, de faire une version française du livre, à publier juste avant la COP21, comme une modeste contribution d’un communicant à cette conférence.

 

Gildas, qu’espérez-vous avec la sortie de ce livre en France ?

Dans une société française, que je sens très crispée, très tendue autour des ces débats sur le développement durable et la communication, j’espère que le livre de Thomas, qui donne à voir de formidables campagnes innovantes et responsables, sera une source d’idées et d’inspiration pour tous les professionnels de la communication et du marketing.

 

Enfin Thomas, quel est le message que vous avez voulu faire passer dans votre livre et celui que vous auriez envie de faire passer pour la COP21?

La publicité peut être une force constructive, porteuse de changements positifs sur le plan social et environnemental. Elle a le pouvoir d'agir « pour la bonne cause ». Les professionnels de la communication et du marketing sont ceux qui nous connaissent le mieux : ils ont les outils, la capacité de faire changer les comportements et les mentalités.

 

 

 

 

 

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